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Impressions
de lecture
Les
derniers tisserands
du
Berry au Bourbonnais
résistance et agonie
Editions
du Petit Pavé
Claude
Ferrieux est originaire de Varennes-sur-Allier.
Passionné par l'histoire de ses
ancêtres et de son pays, il a su
transmettre dans plusieurs ouvrages, notamment
Si mon Bourbonnais vous était conté,
l'atmosphère particulière
des «années joyeuses»
de l'après-guerre.
Le métier à tisser automatique
fut une merveilleuse invention,en 1805,
du Lyonnais Joseph Marie Jacquard.
Utilisant
une technique nouvelle de cartes perforées,
il allait révolutionner l'artisanat
textile, engendrer la prospérité
des soyeux et de leurs confections prestigieuses:
galons, parements d'uniformes au service
des cours royales et des armées,
étoles pour l'Église orthodoxe,
etc. Il fit le bonheur des uns... ruinant
les autres, petits tisserands du Berry
qui vivaient modestement de la confection
de toiles communes et n'avaient aucun
moyen de réaliser de coûteux
investissements.
C'est
leur lente agonie tout au long du XIXe
siècle, que Claude Ferrieux a voulu
décrire : elle aboutira à
des mutations d'activité et au
départ de ses aïeux vers le
Bourbonnais et les mines de Buxières.
Cette
histoire romancée, qui débute
avec les campagnes napoléoniennes,
repose sur une documentation précise
laissée par les ascendants de l'auteur
: les écrits d'Eugène Ferrieux,
et les recherches réalisées
pendant de nombreuses années aux
Archives de Bourges par Jules Ferrieux,
à propos des troubles politiques
et de leur répression à
l'avènement du Second Empire.
Prix
: 18 E
ISBN
: 978-2-84712-140-7
Textes
complémentaires ( Extraits )
Eugène
FERRIEUX
( 1853-1922
Poèmes inédits )
Pauvre
grand-mère
La tyrannie
napoléonienne
Triste
rêveur
Quand
je la vis
Le vieux
château
(de la
Condemine Buxières-les-mines)
Textes complémentaires ( Extraits
)
Jules
FERRIEUX
( 1905-1986
)
Contes
Bourbonnais
Le château
de La Condemine
Pierres
de bois
"
Gueules noires " bourbonnaises
Les places
de Buxières
Le tacot
La "
bouchure "
Ivoy-le-Pré,
Henrichemont en 1861
d'après
les Archives du Cher
SOMMAIRE
Claude
Ferrieux : LES DERNIERS TISSERANDS (Roman
- 142 pages)
Eugène
Ferrieux : (1853-1922)
Poèmes
inédits ( extraits - 10 pages)
Jules
Ferrieux : (1905-1986)
Contes
bourbonnais ( extraits - 23 pages)
Compte-rendu
de recherches aux Archives du Cher
Ivoy-le-Pré
vers 1850 ( extraits - 9 pages )
Ivoy-le-Pré
(Cher)
Aubigny-sur-Nère
Henrichemont
La Chapelle
d'Angillon
Claude
Ferrieux : LES DERNIERS TISSERANDS
Chapitre 1 Bayonne 1808
Chapitre
2 Cadet change de statut
Chapitre
3 Départ pour l'Espagne
Chapitre
4 L'Espagne et ses pièges
Chapitre
5 Pampelune
Chapitre
6 L'attaque d'une ferme
Chapitre
7 Mission de ravitaillement
Chapitre
8 Cadet remonte vers le Périgord
Chapitre
9 Cadet termine sa mission
Chapitre
10 La bataille de Medina
Chapitre
11 Ainsi Cadet et Claude raconteront...
Chapitre
12 La fin de la guerre d'Espagne, Waterloo
Chapitre
13 Cadet reprend le tissage à Aubigny
Chapitre
14 Cadet fréquente Françoise
De Grigny
Chapitre
15 Cadet tisserand à La Chapelle
d'Ang.
Chapitre
16 Vie de couple à Ivoy
Chapitre
17 Thérèse et les jeux d'enfants
Chapitre
18 Période faste
Chapitre
19 Thérèse et la foire
Chapitre
20 Thérèse et François,
passion politique
Chapitre
21 Les difficultés des tisserands
Chapitre
22 La répression politique
Chapitre
23 Le bannissement de Claude Vilain
Chapitre
24 La grâce des condamnés
Chapitre
25 Nouveaux malheurs de Cadet
Chapitre
26 Douleur d'une famille
Chapitre
27 Du Berry au Bourbonnais
LE DEBUT:
Chapitre 1
BAYONNE,
avril 1808.
Forteresse
de Château-Vieux.
(Où
l'on voit le destin sourire à Cadet
Ferrieux, grâce à l'Empereur
Napoléon 1er.)
Cadet Ferrieux est aux arrêts. 17
ans. Engagé volontaire, ou presque.
Confronté à la paille du
cachot, il a loisir de méditer.
Il hait la vie de caserne. Corvées.
Humiliations. La discipline aveugle et
stupide imposée aux conscrits depuis
des semaines. Si c'est ça l'épopée
napoléonienne !
Il a
rêvé de gloire comme ses
camarades berrichons, au passage de l'officier
recruteur. Pour tremper inlassablement
dans la boue de l'hiver basque. Manoeuvre.
Corvée de nettoyage. Re manoeuvre.
Re-corvée. Ordres hurlés
par un fils de marquis, prétentieux
et moqueur, originaire du même pays.
La guerre
d'Espagne, naissante, s'annonce dure et
meurtrière. La Grande Armée
retenue en Centre Europe, Napoléon,
hésitant à engager de trop
jeunes recrues, prolonge leur période
d'instruction.
Rageur,
prêt à toutes les folies,
Cadet s'agrippe aux barreaux de sa cellule,
tente de les arracher. Vainement.
Petit
mais extrêmement robuste, il s'acharne,
s'entête, use les paumes de ses
mains. Epuisé, il retombe sur sa
couche. Alors il lance des imprécations,
maudit la terre entière.(...)
Chapitre
4
(Où
l'on découvre que l'Espagne recèle
des pièges et que Cadet, malgré
son tempérament, doit se plier
à la discipline.)
(...)
Ils rejoignirent le groupe attendant non
loin du champ tragique. On abandonna derrière
soi l'horreur de la guerre. Bientôt
la ville de Pampelune, ouverte et pacifique,
laissait entrevoir le confort de ses nobles
demeures. Les odeurs de friture épaisse
inondant les rues avaient parfum de vie
et espérance.
Le soir
tombait à peine et les soldats
restèrent bouche bée au
spectacle de l'animation qui montait comme
une marée pacifique, amplifiée
par la résonance des voies étroites.
Fruits secs, légumes, noix, amandes,
noisettes, touron, et confiserie diverse...
s'offraient à la convoitise, prêts
à l'échange avec toute pièce
de monnaie extirpée du fond des
bourses. " Plus tard ", ordonnèrent
les chefs, interdisant de quitter la colonne,
et seuls de rares incorrigibles réussirent
un troc sans même s'arrêter.
Cadet
ouvrait tout grands ses yeux, surpris
de l'aspect monumental des façades,
du fer forgé qui entourait les
balcons. Quelle différence avec
les chaumières à colombage
de Sologne ! Une femme d'âge mûr
au visage fortement coloré lui
sourit et l'interpella: " Buenas
tardes, amigo ! " Il tint son regard
levé vers elle, et, instinctivement,
porta la main à son shako pour
saluer. Il commenta à voix haute
: " Ils ont un air plutôt sympathique,
ici ", déchaînant un
rire gras de Kowalski : " Elle vouloir
tes sous. Elle aimer petit jeune, mais
surtout, elle aimer argent. Toi déjà
allé chez putain ? " et, comme
Cadet écartait la réponse
d'un revers de main excédé,
il surenchérit : " Pas bon
si caporal encore puceau, moi t'amener
chez putain. " (...)
Chapitre 20
(Thérèse
et François : une idylle naissante.
La II e république et les échauffements
politiques au village. Une surprenante
affiliation à la Société
Secrète.)
La sympathie
née entre les deux jeunes gens
ce jour de foire trouva son prolongement
dans les regards, les petits signes qu'ils
échangèrent lors de leurs
fréquentes rencontres villageoises.
Sans qu'ils ne se fussent vus secrètement,
ni parlé en intimité, une
petite complicité d'amitié
s'était greffée sur leurs
relations anciennes de camaraderie enfantine.
Il y
eut un soir de bal au pays sous les poutres
noires d'un local si exigu qu'après
s'être frôlés et évités,
leurs corps restèrent en contact
et s'unirent en harmonie avec les mélodies
de valses, mazurkas et polkas, tirées
précairement par deux jeunes villageois
juchés sur une table, des cordes
revêches de leurs violons. Qu'importe
! La joie, l'oubli emplissaient les poitrines.
A peine plus grande que la pièce
d'une maison, la Salle des Fêtes,
et, comme pour narguer le curé
d'Ivoy et les Frères prêcheurs,
située à l'angle de rue
le plus proche de l'église. Pour
accroître le malaise de Thérèse,
elle jouxtait la boulangerie où
venait de s'installer son propre frère.
Mais seules deux lampes à pétrole
projetaient un rougeoiement sur les violonistes,
abandonnant à l'anonymat le reste
des présents.
A la belle
saison, François et Thérèse
marchèrent le soir dans le bas
du village, longeant les murs de propriété
d'un marquis. Malgré le prétexte
de promenade pour une enfant dont Thérèse
assurait la garde, cette fréquentation
ne pouvait passer inaperçue. Toutefois
la jeune fille choisissait toujours ce
même itinéraire, de façon
à ne pas perdre la notion de l'heure,
grâce à l'horloge de l'église
dont on pouvait aisément distinguer
les aiguilles. Il existait pourtant un
cadran solaire tracé sur le pignon
d'une petite maison, en direction duquel
les enfants avaient eu l'habitude de se
retourner. Mais on venait de refaire la
toiture dont l'avancée excessive
projetait une ombre assassine. Thérèse
évitait par des retours raisonnables,
tout reproche. C'est que son père,
Claude, bien qu'éprouvant de la
sympathie pour la famille de Cadet, considérait
que le métier de tisserand exercé
par François ne s'ouvrait pas sur
un avenir sans nuage. Il n'affrontait
pas sa fille, mais essayait, par des considérations
d'ordre général, de lui
ouvrir les yeux. Il avait établi
un de ses fils pharmacien, l'autre boulanger.
A l'abri de la misère. Cadet lui-même
orientait ses fils l'un vers un métier
de sabotier, l'autre, dans un emploi de
bureau... Mais Thérèse n'écoutait
guère. Depuis le catéchisme
elle était restée pratiquante
et s'était habituée à
accueillir avec distance et scepticisme
les échauffements républicains
et anti-cléricaux de son père.
Un jour
François l'attira sur une brèche
ouverte par l'érosion dans le haut
du mur enfermant les biens du marquis.
" Mais les chiens ?" objecta
Thérèse. " Je les connais,
ils sont inoffensifs", répondit
le jeune homme. A l'extrémité
du parc ils marchèrent à
l'abri des regards et purent librement
se découvrir en intimité
et commencer à s'aimer. Par la
suite, ils renouvelèrent maintes
fois cette promenade, et il leur advint
de surprendre le propre cousin de François,
employé au château, qui marchait
dans une allée isolée et
déclamait en tentant pitoyablement
d'atténuer les roulements de ses
r et prononcer du bout des lèvres,
sans y parvenir au delà de trois
ou quatre syllabes : "Pour vous servir,
Madame la Marquise. "
François
s'était engagé parmi les
soldats du feu. Il y jouissait pour son
sang-froid et ses capacités de
raisonnement, d'une excellente réputation
et un bel avenir lui était promis.
Il avait déjà gagné
les premiers galons qui flamboyaient sur
ses manches, les jours de parade. Lors
des soirées familiales, c'est à
lui que l'on posait des questions car
il y avait tant de bois utilisé
dans la construction des maisons que l'on
assistait parfois à des incendies
spectaculaires.
Les anciens
ne racontaient guère leurs campagnes
que tout. le monde connaissait par coeur,
cependant il n'était pas rare qu'ils
évoquent encore l'Espagne pour
une réminiscence culinaire ou un
détail de vie quotidienne. Mais
ce qui pesait sur les esprits en cette
fin de monarchie orléaniste, était
bien la passion politique, le désir
et l'espoir de changer les choses.
Peu avant
1848, les sympathisants de la " Marianne"
devenaient de moins en moins réservés
et les "Marianneux" de plus
en plus virulents. Cadet s'en prenait
ouvertement au pouvoir occulte de l'Eglise,
à l'hypocrisie des curés,
de mèche avec les nobles pour garantir
leurs privilèges et maintenir le
peuple dans la misère. Il y mettait
beaucoup de passion et de subjectivité,
faisait l'amalgame entre les injustices
sociales héritées de l'Ancien
régime et les difficultés
nouvelles liées à l'évolution
industrielle. Une seule chose s'avérait
bien claire : il convenait de refaire
une révolution comme en 1789, mais
définitive, celle-là. "Chasser
les nobles et les prêtres ",
aimait-il à déclarer tout
en désignant d'un regard son fusil
de Garde National suspendu au-dessus d'une
porte. Mais il éclatait de rire
en servant une rasade de vin blanc à
ses auditeurs médusés.
Sous
la République, la montée
en puissance de la Société
Secrète fut rapide. Les affiliations
eurent lieu au milieu des bois, par un
serment prononcé sur le fusil.
Le discours était violent : prendre
aux riches par la force et répartir.
Avant
même le Second Empire, à
l'époque du Prince Président,
ces terribles rouges effrayaient les autorités
judiciaires, par leurs "projets abominables
d'assassiner les bourgeois pour partager
leurs biens. " D'Ivoy à Henrichemont,
remontant jusqu'à Bourges, les
tentacules de la Marianne se répartissaient
en décuries et centuries, en tout
900 hommes, prêts à agir
au premier signal. D'insidieuses rumeurs
mentionnaient même un "coup
de chien ", fixé à
1852, qui verrait l'inexorable déchaînement
d'un carnage bourgeois.
Eugène
Ferrieux:
LA TYRANNIE NAPOLEONIENNE
Bonaparte, le traître de Sedan,
Infâme
scélérat, abject Satan,
Sur nous,
Bonaparte ignoble assassin
Attire
la colère du Divin.
(...)
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LE VIEUX
CHATEAU
Le vieux château que l'on nomme
Condemine
Montre
un aspect de grande vétusté,
Mais l'amateur
qui vient et l'examine,
En connaisseur,
exalte sa beauté.
Ce qui
plaît tant, c'est sa cour intérieure,
Sa forme
ronde et ses deux perrons.
Puis,
alentour, la défense extérieure,
Le grand
fossé qu'on franchit sur un pont.
(...)
--------------------------------------------------------------------------------
Jules
Ferrieux
LE CHATEAU
DE LA CONDEMINE
Il n'était
pas occupé par les propriétaires
de l'entreprise. Mais il avait dû
être habité bourgeoisement
car il y existait une grande salle lambrissée
qu'on appelait le " salon "
, les restes d'une chapelle, et dans la
cour, avec de grands et beaux platanes
qui existent toujours, des arbustes ornementaux
qui avaient dû faire partie de beaux
massifs, bien délabrés quand
je les ai connus. La Compagnie, qui ne
l'entretenait plus guère ( il commençait
de pleuvoir un peu partout dans les greniers),
y logeait certains de ses employés
et même quelques ouvriers.
1914
Le 2 août 1914, je me trouvais,
l'après-midi, dans un champ derrière
la Condemine à aider ( 9 ans mais
je savais déjà toucher les
boeufs ! ) nos voisins, les métayers
du domaine. En cours de travail, nous
avions entendu sonner les cloches. En
rentrant à la Condemine, on me
dit : " Ça yest, le tocsin
a sonné, on va avoir la guerre.
" A mon âge, cela ne disait
pas énormément de choses
à l'esprit. Mais je compris beaucoup
mieux, quand, les jours suivants, je vis
les hommes partir accrochés par
grappes aux fenêtres et aux plate-formes
des wagons du tacot qui les emmenait,
chantant, gesticulant et criant: "
A Berlin! ", vers leur destin, au
milieu des guirlandes, des fleurs et des
inscriptions. Et surtout quand je constatai,
au fil des semaines et des mois ( jusque
vers la fin septembre ), que mes parents
pleuraient parce qu'ils ne recevaient
aucune nouvelle de mon frère aîné
qui faisait alors son service militaire
et s'était trouvé dans les
premiers choisis. Les nouvelles vinrent
ensuite.
Il n'est
que de voir le petit monument au cimetière
de Buxières qui porte inscrits
tous les noms pour comprendre où
cela menait ces pauvres garçons.
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PIERRES
DE BOIS
Du côté
de Buxières où abondent
les restes de forêts jadis enfouies
par la nature, si peu profondément
parfois qu'il suffit de creuser son jardin
pour y trouver la houille, on appelle
" pierres de bois " des blocs
fossilisés, durs comme la pierre,
mais qui ont conservé l'apparence
ligneuse des troncs.
Il n'est
pas rare d'en voir que de braves gens
gardent à titre de curiosités,
dans leur jardin ou sur leur perron, leur
attribuant on ne sait quelle bizarre origine
et quelles particulières vertus.
Le populaire
a toujours eu sa façon à
lui d'imaginer les mutations de la matière
et il n'a pas rêvé qu'à
la seule possibilité de changer
en or le métal commun.
Sur la
pierre de bois se reportait encore au
début de ce siècle, aux
lisières des forêts, le sentiment
du mystère et du surnaturel caché
au fond de tout coeur humain ; un peu
de cette angoisse qui vous étreint
en face de l'univers et de son grand secret.
Buxières-les-Mines (Allier)
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