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Sommaire

1/ Crime passionnel, page 7
2/ Pito, p. 44
3/ Coup de sang, p.51
4/ Frivolité funeste, p. 54
5/ Abnégation, p. 83
6/ Belle et volage, p. 96


Ceci est une fiction, toute ressemblance avec des personnes réelles serait fortuite


1
Crime passionnel

Le jeudi 15 juillet 1954, vers 13 heures, par une cha-leur caniculaire, une jeune fille de vingt ans était as-sassinée dans une petite ville de l'Allier. Les circons-tances du meurtre apparaissaient claires. Connues de tous. Drame de la jalousie. Une seule balle de pistolet en plein cœur. Tirée à bout portant. Par le fils d'une famille honorablement connue, au domicile de ses parents où la jeune victime travaillait en tant qu'employée de commerce.
Les gendarmes n'avaient eu qu'à constater les faits et emmener le coupable. Stupeur générale dans la ville. Et les journalistes d'étaler les interrogations dans les pages régionales de leurs quotidiens. Jolie promo dont la cité se serait bien passée.
Tout avait commencé l'été précédent.

Il faut imaginer la vie sociale entièrement circonscrite entre la mairie, les deux artères commerçantes et l'église. Pas de supermarchés, aucune zone commerciale à la périphérie. Un va-et-vient de bicyclettes à l'heure d'em-bauche et en fin de journée. En direction de Moulins, les usines. Des hommes en tenue d'ouvrier. Quelques femmes travaillant dans les bureaux. En parallèle, au-delà de la ga-re, à vélo eux aussi, les militaires en uniforme bleu ma-rine, galonnés et sémillants, et les employés civils des deux sexes. On appuie l'engin au trottoir, le temps de prendre le journal ou les cigarettes. Puis d'autres uni-formes envahissent la ville : piétons aux manches ornées de chevrons rouges plus modestes qui emplissent les bars.
Autres lieux de rencontre : places et trottoirs, à la belle saison surtout. Calme et convivialité.


Famille de commerçants
À vint-et-un ans, Jean-Jacques est un garçon comblé. Il n'a jamais connu le moindre souci matériel. Même pen-dant la guerre, il n'a pas souffert des restrictions. Ses parents, propriétaires du florissant commerce Vichy Mode, inconsciemment désireux d'atténuer et compenser les difficultés d'une époque troublée, ont beaucoup cédé aux exigences de l'enfant, devenues peu à peu des caprices. Depuis toujours.
Habitué à la facilité, le jeune homme qu'il est devenu ne supporte pas que les choses ou les personnes lui résistent. Il vient de terminer de médiocres humanités sans inquiétude pour son avenir, tout tracé dans l'entreprise familiale. Vendre robes et chemisiers aux dames n'est guère un travail d'homme. Pour le moment sa mère, quinquagénaire élégante et distinguée, suffit à la tâche, mais elle s'intéresse discrètement au choix d'une épouse pour son fils.
Elle a engagé, à l'issue d'une sélection soignée, une jeune fille issue d'un milieu modeste, qui réside dans un calme hameau en limite de l'agglomération. D'aspect fort gracieux et avenant, Michelle a suivi localement une bonne scolarité secondaire, elle a préparé et obtenu une qualification professionnelle de comptable.
Madame Villaud a accueilli Michelle un peu comme on le ferait pour une parente, la tutoyant, lui ouvrant la maison. Son emploi, régi par un contrat tout à fait régulier, n'est cependant pas défini très clairement.
Intégrée à la famille, elle donnera la main là où ce sera nécessaire, passant du ménage à la vente ou aux écritures comptables.


Michelle
Dès les premiers jours, la jeune fille s'est sentie un peu trop embrigadée, mais ses parents, auxquels elle s'est confiée, ont souligné les avantages d'une telle place. Leurs sourires chargés de sous-entendus ne l'ont pas émue, mais que risque-t-elle en acceptant cet emploi ? Paye solide, travail confortable… Son père, lui, trime sur les routes par tous les temps. Cantonnier. Pas le bagne, mais presque.
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2
Pito
Rock et vie libre

Il se prénommait Jacques, mais tout le monde l'ap-pelait Pito. Sans doute le diminutif de Pepito, nom évo-cateur d'un exotisme lié à son apparence. Car c'était un garçon de petite taille, bien proportionné, d'une vingtaine d'années. Physique sec, noueux. Il peignait en arrière ses cheveux bruns légèrement ondulés, portait une moustache plutôt fournie et de longs favoris qui lui donnaient un air trouble. Surtout lorsqu'à l'automne il revêtait un blouson de cuir noir. Mais il n'enfourchait qu'une modeste mobylette et, malgré les apparences, Pito restait gentil garçon.


Rock
Une mode plus qu'un genre de vie. On copiait les stars montantes de l'époque. Johnny, Eddy (encore en chaus-settes noires), Dick… etc. L'habit ne fait pas le moine, dit-on, pourtant l'effet produit par le blouson noir, s'il n'était guère valorisant dans la société adulte, fascinait les ado-lescentes. Elles aimaient les repères : soit l'uniforme bleu marine et seyant des " aviateurs " de la base voisine, riche d'un certain exotisme mais inscrit dans le droit chemin, soit le blouson, symbole de marginalité, de refus des convenances sociales, de défi à la morale annonçant déjà mai 68. Et, pour affirmer ces convictions, manifester sa joie de vivre : le rock' n roll. Chaque samedi, chaque di-manche, rock' n roll. Prononcé non pas avec cette in-tonation d'outre-Atlantique martelée par la publicité audiovisuelle contemporaine. Non, un mot bien de chez nous : roc ; puis une lettre de notre alphabet : n ; et pour finir l'accent circonflexe envolé : role.
Pito était un champion. Au bal du samedi, au dancing du dimanche, lorsque les lumières se rallumaient et que retentissaient les premiers accords de guitare, il occupait la piste. Servi par sa stature équilibrée, son sens du rythme, il réussissait à rendre harmonieuses des évolutions qui se voulaient saccadées. Ses pieds marquaient le tempo et se coulaient dans le mouvement aussi bien linéaire que circulaire. Il gardait le contact avec sa partenaire, la faisait tourner comme une toupie, la projetait aux limites de leurs bras tendus. Puis il lâchait la prise, le temps d'une rapide pirouette sur lui-même.


Blondinette virevoltante
Après diverses tentatives, des exhibitions avec sa pro-pre sœur, un peu trop grande pour lui, il réussit à trouver sa partenaire idéale. Une fille aux cheveux blonds, gracile, légèrement plus jeune. Dès lors, le couple devint indis-sociable. Brun, blonde, virevoltant sous les regards ad-miratifs des autres qui s'y essayaient parfois. Gauches, empruntés, ils rentraient vite dans le rang. ../


3
Coup de sang

Un de mes camarades, au collège, me parlait souvent de sa hantise des comportements violents. Cela remontait à l'époque où, petit enfant, il avait surpris un secret de famille qui concernait une sœur de sa mère, commerçante dans un centre-ville non loin de Moulins. Un soir où l'en-fant somnolait dans son lit, porte de chambre entr'ouverte car il craignait l'obscurité complète, la tante le croyant endormi, avait fait des confidences à sa sœur, après un long silence.


Interminable absence

Les faits remontaient à l'époque de la guerre. Le couple, marié en 1935, tenait une charcuterie. Les affaires pros-péraient mais vint le conflit. Le départ du mari pour le front de la " drôle de guerre ". Et la nécessité de faire tourner la boutique avec les moyens du bord. La tante de mon camarade, âgée alors d'une trentaine d'années, s'était mise à l'ouvrage tant bien que mal en imitant ce qu'elle avait vu faire à son mari. Les découpes, la confection des saucisses, boudins, pâtés… etc. Cependant, comme elle peinait à assumer toutes les tâches seule, et que recruter un commis s'avérait impossible, elle engagea un garçon d'environ dix-sept ans comme employé qu'elle formerait sur le tas. Peu à peu celui-ci apprit le métier, et devint après quelques mois le remplaçant du charcutier qui, entre temps, avait été fait prisonnier et envoyé en Allemagne. Cette situation se prolongea pendant six longues années.
1945. Fin de la guerre. Retour des prisonniers. Le cou-ple se reforme. Un peu difficilement après sa longue sé-paration. À peine quelques jours sont-ils passés, qu'une âme " charitable " alerte le charcutier. Qu'il s'interroge sur la nature des liens qui se sont créés entre sa femme et son commis.
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4
Frivolité funeste

Je n'avais pas vingt ans. Un regard impatient fixé sur l'horizon de mon avenir voilait mon approche des autres. Mon écoute n'avait qu'une qualité apparente.
Je reçus la visite d'un cousin. Proche parent mais grand écart d'âge. Un peu insolite. Nous eûmes une discussion assez longue. Je ne perçus rien d'autre que l'aspect inhabituel de sa démarche. Je le vis doux, gentil, légèrement décalé. Je ne décelai rien du drame qui était en train de se jouer et que les événements allaient me révéler.
J'ai retrouvé récemment un cahier manuscrit dans lequel notre grand-père commun (que je n'ai pas connu), écrivait des petits contes pour enfants destinés à mon cousin. La page de garde comportait une dédicace empreinte de tendresse : " Pour petit Georges. " Mon grand-père avait écrit des poèmes au cours de sa jeunesse et il lui arrivait encore de rédiger lors des fêtes de famille, quelques vers appelant la clémence du destin sur les jeunes générations. Dans les bénédictions écrites par cet anticlérical virulent transparaissait curieusement l'édu-cation reçue à l'école des Frères Prêcheurs. Sa chaude colère contre le clergé - liée à la crise sociale du 19e s. - était probablement de nature passagère car il évoquait explicitement dans ses écrits, le respect d'une force im-manente représentée par le Tout-puissant.
J'ai souvenir de ma tante, la mère de Georges, vieille dame un peu décharnée, au comportement habituellement mesuré, qui, lorsque la conversation dérivait sur le couple de son fils, perdait toute retenue et ne pouvait contenir des flots d'amertume contre sa bru. Le vocabulaire violent qu'elle utilisait dans ces cas-là saisissait l'enfant que j'étais.
J'avais rencontré le couple. Lui, assez grand, sec, le cheveu bouclé un peu évaporé. Caractère en harmonie avec le physique : vêtu de réserve et dignité comme il seyait à son métier d'enseignant de village, un peu absent et rêveur. Elle, gaie, souriante, avenante. J'avais surtout sympathisé avec les enfants qui étaient de mon âge. Au nombre de trois, déjà la rumeur collait à l'évidence que seule l'aînée était " de son père. "
Pourtant, toutes les apparences d'un couple banal. Avec le léger déséquilibre d'intérêts culturels qui n'était pas rare chez les enseignants du premier degré d'au-trefois. Lui, Georges, portait un regard réfléchi sur la vie, appréciait les distractions sérieuses comme l'observation de la nature, professait des goûts simples. Elle, Josiane, issue de la campagne bourbonnaise, ayant peu étudié, aimait la vie, le divertissement immédiat, le plaisir futile.
J'en serais resté à une connaissance superficielle de leur histoire si, longtemps plus tard, je n'avais entendu les révélations d'un ami qui, lui-même, était au fait, je n'ose dire des confidences, tant le discours paraissait infatué de vantardises machistes, plutôt des bavardages de son oncle qui affirmait avoir été l'amant de Josiane. Je nommerai cet homme : Jacques.


École Normale
Jacques et Georges étaient camarades de promotion à l'École Normale d'Instituteurs de Moulins. Ils avaient passé ensemble au pensionnat les trois années d'études conduisant au Brevet Supérieur puis celle de la formation professionnelle.
Georges provenait d'un village de la région moulinoise où sa mère exerçait ce même métier d'institutrice. Un père disert, sûr de lui, fantasque, instable, mais bon enfant, incapable de s'établir dans la vie. Il passait d'un métier à l'autre, bâtissait des projets, échafaudait des théories di-gnes d'un inventeur. Pures chimères car rien n'aboutissait jamais. En conséquence Georges s'était élevé dans les jupes de sa mère. C'était un jeune homme réservé, timide même, dont le romantisme frôlait souvent la naïveté.
Jacques, au contraire, pur Moulinois, bien qu'issu d'un milieu comparable, était très différent. Extraverti, entre-prenant, beaucoup plus mûr, à peine avait-il quitté l'envi-ronnement scolaire qu'il s'imposait en leader au sein du groupe de potaches. Il entraînait Georges et d'autres au bar, au cinéma, tentait de rencontrer les filles de l'École ou celles d'un pensionnat. Georges suivait, mais en raison de son attitude effacée, les regards glissaient vers celui qui lançait les boutades et les invitations.
Un jeudi, jour de liberté scolaire de l'époque, les deux amis arpentaient la place d'Allier suivis d'un autre ca-marade, lorsqu'ils croisèrent trois filles de leur âge au rire provoquant. Tel un chef d'escadrille, Jacques fit exécuter un demi-tour enveloppant à son groupe et émit un petit sifflet admiratif. L'une des donzelles, qui paraissait être la meneuse, tourna son visage blond bouclé au regard réjoui. Jacques enchaîna plusieurs banalités et la conversation s'engagea. Une invitation à entrer au France, café refuge des potaches à la saison fraîche, fut acceptée et on se retrouva face à face assis sur les banquettes à haut dossier de cuir molletonné, devant les immenses glaces qui renvoyaient une image impitoyable de gaucherie, alors que les luminaires Art Déco suspendus sur une longue perche en métal doré, attiraient le regard vers les moulures chargées du plafond. Jacques et la blonde alimentaient presqu'exclusivement la conversation. Georges, assis à côté d'une fille assez gracieuse et souriante, ne soufflait mot. Jacques, magnanime, réussit à lancer puis réanimer un dialogue entre eux. Lorsque l'attrait de cette halte déclina, on décida d'une promenade et l'on partit en couple le long des rues.

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5
Abnégation

Le vieil homme, tuméfié, brisé, détruit, gisait sur son chariot, au beau milieu d'un couloir d'hôpital. Il ne se souvenait de rien. On lui avait pansé le crâne, calé le cou et les jambes. Il ne supportait son corps que dans l'im-mobilité absolue. Seules ses mains paraissaient avoir échappé au désastre. Il tenta une légère tension sur ses doigts de pied, à gauche, puis à droite, c'était sensible, cela bougeait… Peut-être sa dernière heure lui laissait-elle un petit sursis.
On parlait autour de lui. Fort. Le médecin s'adressait à ses filles qui venaient de lui toucher les mains. Mais il ne comprenait pas. Son appareillage auditif avait dû voler lors du choc qui l'avait meurtri.
Une odeur d'alcool flottait dans l'air, persistante, envahissante. Une réminiscence : il se revoit tout jeune, suivant son groupe dans les bois en portant une sommaire trousse médicale. Un flacon d'alcool, des compresses, un tube d'aspirine, le tout dans une boîte métallique ayant contenu des galettes de Pleyben, qui s'affichent, crous-tillantes, sur l'image recouvrant le couvercle, lui suscitant des crampes d'estomac et un désir perpétuellement inas-souvi. Son regard se porte sur le fin clocher s'élançant derrière les biscuits, puis passe vers les deux joueurs de cornemuse et biniou qui complètent l'illustration, en jouant, juchés sur des tonneaux, symbole moins cruel puisqu'il leur arrive de trouver un peu de cidre dans les fermes pour mouiller le pain souvent sec qui, avec les pommes de terre bouillies, constitue l'essentiel de leur alimentation.

Les galettes. Voici que le vieil homme glissait vers un souvenir heureux : la rencontre de celle qui allait devenir son épouse. Cinq ans environ après l'épisode difficile des maquis. Revenu à la vie civile et à son ancien métier d'électricien. Il avait dû s'exiler à une cinquantaine de kilomètres, dans le chef-lieu d'un département voisin. Distance qu'il ne craignait pas d'effectuer en se déchirant les mollets sur son vieux vélo. Comme il travaillait sur le chantier de rénovation d'un restaurant, il voyait souvent apparaître une jeune fille brune, avenante, aux traits ré-guliers, venue justement d'un village proche de Pleyben. La croyant sensible à son charme, il lui parlait de la cam-pagne dont, comme lui, elle s'était expatriée, et de la capi-tale de la galette où elle avait suivi sa scolarité. Il ap-prendrait beaucoup plus tard, qu'en fait, la jeune em-ployée venait là sur ordre de sa patronne, pour tenir à l'œil les ouvriers dont cette dernière craignait quelque désordre. Qu'auraient-ils pu faire ? Déboucher des bouteilles et se désaltérer à ses frais ?
La jeune fille avait pris sa mission bien à cœur et dé-couvert ce gars sérieux, travailleur, qui aimait lui faire la causette à la pause de midi et se montrait même disert lorsqu'il était parvenu à briser la glace Elle l'écoutait en souriant, elle qui n'était guère bavarde et ne trouvait pas grand-chose à raconter car elle n'avait jamais quitté son département d'origine. Lui avait bourlingué, à pied dans les bois, puis en camion militaire, en train et bateau. Il avait traversé la France du nord au sud et d'ouest en est, s'était embarqué à Marseille pour traverser le monde, mais là c'était pour une autre guerre, une guerre sale dont il n'avait pas envie de parler. Sa gaieté, sa joie de vivre s'exprimaient dans les mille petits faits qui sillonnent le quotidien.
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6
Belle et volage

La guerre avait pris à Jean presque six années de vie. Une de campagne et près de cinq au stalag. Les plus bel-les. Celles où, ayant terminé ses études et ses stages à l'École Normale d'Instituteurs, accompli son service mili-taire, il aurait pu s'établir. Rencontrer une collègue, par exemple, et l'épouser.
Le destin en avait décidé autrement.


Solitude
Il était rentré à trente-deux ans, avait retrouvé l'Allier en ébullition, transcendé par l'euphorie de la Libération. Mais la population, admirative envers les Résistants, de-meurait un peu sceptique à l'égard des prisonniers tout jus-te revenus d'Allemagne, parfois assimilés à des vaincus de 40. Jean côtoyait les femmes de son âge, déjà casées. Les plus jeunes regardaient ailleurs. Comme il ne s'intéressait qu'aux jolies filles, le temps passait et il demeurait seul. Trop seul.
Alors, insensiblement, Jean s'abandonna au jeu de sé-duction de certaines de ses élèves. Les plus mûres, âgées de seize ans, affichaient déjà un corps de femme et res-plendissaient de fraîcheur. L'enseignant, qui aurait dû se garder de tout relâchement, ne savait s'en tenir à la stricte éducation intellectuelle qu'exigeait son métier. Il ne pouvait compter sur son physique très moyen (petite taille, calvitie prononcée), mais il savait jouer du prestige que lui procurait son réel savoir scientifique, allié à la candeur des esprits dans un petit centre provincial.
Parfois, il gardait une élève après la classe, avec le prétexte de lui réexpliquer une leçon. Soudain, une main trop amicale s'égarait sur l'épaule de la jeune fille. Le jeu s'arrêtait là dans les locaux scolaires, mais si Jean devinait une ouverture possible, il pouvait organiser des rencontres extérieures dont il masquait la finalité réelle en attirant par exemple un garçon. Cette présence écran ne faisait guère illusion et Jean connut certains problèmes avec la hié-rarchie.

Rencontre
Survint une élève aux origines méditerranéennes. Très belle. Elle choisit la voie de l'enseignement, ce qui pro-longeait sa présence d'un an au collège. Jean, séduit par sa beauté et son charme, se montra plus habile que par le passé. Il ne tenta aucune approche scabreuse, s'abstint de tout geste ambigu. Mais il entoura la jeune fille de pré-venances, d'aide au travail, la persuada de l'avantage qu'elle retirerait de cours particuliers qu'il s'offrait à lui donner à l'extérieur de l'établissement. En échange d'une rémunération purement symbolique.
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