Les
dernières heures du
Duché de Bourbonnais
racontées aux enfants... et aux
grands
« Non, tu n'es pas un traître
»
DOCU-FICTION
4e de couverture
L'adieu
au duché
La scène se passe dans la nuit
du 8 au 9 septembre 1523 dans une pièce
haute du donjon de Chantelle. Charles
III duc de Bourbon, connu dans lHistoire
comme connétable de France, sest
retranché dans une de ses forteresses
les plus sûres. Car le roi François
Ier, lassé dattendre son
cousin à Lyon, a lancé le
maréchal de La Palice à
sa recherche pour semparer de sa
personne. Mais, alors quon le croit
à Moulins, le duc est passé
de Gayette à Chantelle quil
sapprête à quitter.
Offensé par son suzerain français,
réduit à la dernière
extrémité (sil reste,
Charles III sera probablement réduit
à la misère et à
la prison), il
tourne alors ses espoirs vers son 2e suzerain,
Charles Quint qui la assuré
être prêt à laccueillir,
et dont il dépend pour la petite
principauté de Dombes (actuel département
de lAin). Cette avant-dernière
veillée en Bourbonnais (que le
duc ne reverra jamais), est loccasion
dévoquer ses souvenirs avec
une vieille servante qui a veillé
sur sa
tendre enfance et avec laquelle il a noué
un lien daffection quasi filial.
Quil était beau et riche,
le duché de Bourbonnais ! Quand
Moulins accueillait la cour de France
et que son château était
réputé comme un des plus
beaux quil fût donné
de voir.
Cet
ouvrage ludique comprend à la fin
de chaque chapitre des compléments
historiques suivis dactivités
: quiz, mots croisés, mots cachés.
Claude
Ferrieux a passé son enfance à
Varennes-sur-Allier et une partie de sa
jeunesse à Moulins. Ancien professeur
agrégé ditalien, il
habite dans la Drôme, mais se passionne
pour sa région dorigine comme
le montrent les nombreux ouvrages quil
lui a consacrés. Parmi ceux-ci,
LHistoire du Bourbonnais racontée
aux enfants
et aux adultes rencontre
depuis plusieurs années un franc
succès auprès du public.
Dossier dactivités imprimable
en libre accès
1
Chantelle-le-Fort, 8 septembre 1523
Un grand émoi ébranle
la forteresse de Chantelle.
Inexpugnable, dominatrice. Sur deux-cent-quarante
mètres, et environ la moitié
pour largeur. Depuis une éternité,
aucun assaillant n'a osé défier
ses hautes murailles à pic sur
les méandres encaissés de
la Bouble, ni ses immenses tours maintenant
ornées de statues à l'effigie
des puissants ducs de Bourbon : Anne,
de France et de Beaujeu, Suzanne et Charles,
sa fille et son gendre. Pourtant, une
grande fragilité a envahi chaque
recoin du château, tout à
coup.
Des rumeurs circulent et hantent les esprits.
Les serviteurs ne comprennent pas ce qui
leur arrive. Le maître des lieux,
le connétable Charles de Bourbon,
vient d'arriver, avec quelques hommes,
mais on le dit en fuite. Lui, si fort,
si
brave, si beau, paraît avoir défié
les Dieux et le ciel. Que va-t-il s'abattre
sur les tours du château. ? Que
faire ? S'occuper des préparatifs
ordonnés par le duc et prier en
son for intérieur. C'est une vieille
servante nommée Marie Pichon qui
a transmis oralement le récit qui
suit. Oh, hélas, elle ne savait
pas très bien écrire, et,
probablement, la
réalité des faits recueillis
longtemps plus tard auprès d'une
de ses parentes par un abbé, a-t-elle
évolué vers le mythe et
la légende. Elle nous permet toutefois,
d'avoir une vision plus vivante des événements
dramatiques si souvent évoqués
par les historiens.
Le temps n'est pas aux tergiversations.
En vieille maîtresse des lieux,
Marie stimule les domestiques et veille
à tout. Elle a passé sa
vie au service de la duchesse Anne, décédée
il y a moins d'un an, et le nouveau duc
n'a rien changé à ses habitudes.
Il guerroie, commande les troupes, chevauche,
il chasse, mais, pour ce qui est de gouverner
la maison, les domestiques, le linge,
la nourriture, c'est Marie. La «vieille»
demoiselle Marie, car elle a atteint l'âge
de cinquante-neuf ans sans qu'on ne lui
ait jamais connu d'amoureux. Mais, sait-on
tous les secrets ? Et perpétuellement
en activité, vive, la langue bien
pendue. Le pont-levis relevé contre
la porte d'enceinte interdit toute intrusion.
Marie, inquiète, fébrile
face à un impalpable danger, équipée
d'un bougeoir dont elle protège
la flamme vacillante avec sa main, traverse
l'aire au pied du donjon, sombre et déserte,
pour vérifier. Mais des hommes
veillent et la nuit a étendu un
voile protecteur sur la forteresse.
Le duc appelle sa gouvernante à
l'étage du donjon. La salle est
exigüe, mais sûre ; un feu
crépite dans la cheminée
car une fraîcheur humide imprègne
les murailles, bien qu'on soit encore
en été et malgré
la présence de tentures et de
tapis. Il la fait asseoir. Ils sont seuls
dans la pièce.
Dame Marie, il faudra arrêter
ces préparations de victuailles
que tu as lancées.
Pourquoi Monseigneur ?
Appelle-moi Charles, comme lorsque
j'étais petit et que tu venais
me chanter des complaintes et des berceuses
pour m'endormir.
Oh, Mons... Charles, je m'en souviens.
Tu avais quatre ans. C'était à
Moulins, du temps de Mme la duchesse Anne
et M. le duc Pierre. Quelle belle époque,
nous y étions heureux ! Enfin...
malgré la tristesse du départ
de ton
papa, puis le grand malheur de sa disparition.
Certes. Mais il a eu son heure
de gloire comme vice-roi de Naples. Que
veux-tu, nous sommes tous des soldats,
notre destin n'est pas de mourir dans
un lit, soupire Charles d'un air pensif
; puis, attendri, il ajoute : Anne et
toi, vous étiez comme deux mamans.
Oh, merci Monsieur le Duc, et avisant
les sourcils froncés de son maître,
elle reprend : merci, Charles.
Il est bien difficile de tutoyer un tel
personnage. Grand et fort comme un roi.
Riche et puissant. Cependant, maintenant
que les périls paraissent être
repoussés loin dans la nuit, l'intimité
héritée de son enfance ré
affleure, peu à peu.
Le duc parle avec douceur. Il faut arrêter
de préparer parce qu'il ne prendra
qu'un bagage léger sur son cheval.
Pourquoi ne pars-tu pas tout de
suite ? Je suis inquiète.
Tranquillise-toi, personne ne sait
que je suis ici.
Puis, le ton de sa voix résonne
sèchement tout à coup :
Quant à ceux qui me cherchent
à Moulins, Gayette ou Billy, en
Auvergne peut-être, quand ils arriveront,
je serai loin.
Le duc Charles III, homme de pouvoir et
d'autorité, habituellement figé
dans une morgue hautaine ou, lorsqu'il
chevauche, exprimant une fierté
farouche et la force d'un grand meneur
d'hommes, montre au cours de cette soirée
si
particulière, un tout autre visage.
Celui de son enfance bourbonnaise faite
de joies simples et d'un bonheur tranquille.
Il annonce à Marie qu'il va partager
avec elle un secret, mais elle se méprend
:
Non, je ne veux pas savoir où
tu vas, comme ça il me sera impossible
de te trahir.
Charles sourit :
Ma brave Marie, ce n'est pas de
cela qu'il s'agit.
Il se lève, vérifie que
les domestiques ont bien été
renvoyés et dit :
J'ai un service à te demander.
Mais personne ne doit savoir jusqu'à
mon départ.
Marie s'exclame :
Tout pour te servir.
Il s'approche d'une tapisserie, la soulève,
au beau milieu d'une paroi. Il cherche,
palpe avec ses doigts les interstices
entre les grosses pierres taillées
de la muraille. Marie observe, intriguée.
Tout à coup il paraît avoir
trouvé ce qu'il
cherchait. Alors, muni d'un couteau, il
gratte le ciment friable qui entoure la
pierre. Cela dure un moment. Marie demande
:
Qu'y a-t-il là derrière
?
Tu vas voir.
Il retire la pierre par petits coups successifs
qui engendrent des grincements et une
résonance. Mais une question taraude
l'esprit de Dame Marie.
Qui donc ose te poursuivre ?
La Palice, à ce qu'on sait.
Mais, c'est ton compagnon d'armes.
Oh, il ne fait qu'exécuter
les ordres.
Les ordres de qui ? demande Marie
comme qui parle à soi-même
et s'offusque à l'avance de la
réponse.
Ce chien de François.
Le roi ? Oh, mon dieu, s'écrie
la gouvernante en se signant.
La Palice ne me cherchera pas ici,
à l'opposé de Gayette, et
Magdeleine ne me trahira pas.
Voici que le duc de Bourbon attrape une
lourde cassette en bois, cernée
d'une armature métallique. Il peine
à la porter jusqu'au plateau d'une
table qui a été tirée
dans un angle, loin de l'unique et étroite
ouverture que la pièce carrée
comporte. Elle est masquée par
un rideau et une planche, faibles protections
contre un hypothétique coup d'arquebuse.
Mieux vaut se tenir à distance.
Le connétable extrait de son vêtement
une clé à la taille conséquente
dont le panneton* est ciselé en
dentelle. Il débloque la serrure,
soulève le couvercle qui libère
les miroitements caractéristiques
de l'or. La gouvernante se saisit d'un
bougeoir, le lève au-dessus de
sa tête, et lorsqu'elle perçoit
plus clairement les reflets dorés
de la flamme des bougies sur le contenu
de la cassette, elle baisse le nez, impressionnée
par l'importance inouïe du trésor.
*Partie
dune clef qui entre dans la serrure.
Le duc enfouit ses mains dans les pièces
d'or, les soulève, elles tintent
en retombant.
Voici de quoi survivre, dit Charles
de Bourbon. Et, celles-là, ils
ne les auront pas.
C'est pour ça que tu es
revenu à Chantelle ? demande Marie
Pichon.
Ça en valait la peine. Tiens,
ça, c'est pour toi, cache-les bien
! dit le connétable en lui tendant
une poignée de pièces d'or.
Oh, Monseigneur, c'est trop...
Quand je serai parti, tu en auras
besoin. Maintenant, je vais te demander
de coudre les pièces dans mes vêtements.
Oui, bien sûr. Mais cela
va prendre du temps.
On parlera des bons souvenirs.
On dormira plus tard, ou demain. Je ne
m'en irai que la nuit prochaine. J'attends
aussi l'abbé dans la soirée,
lorsqu'il aura fini d'écrire ses
sermons.
La gouvernante, dont la trousse à
ouvrage n'est jamais loin, entreprend
un minutieux travail sur deux chemises
et une veste que Charles lui a confiées.
Pour éviter des tintements incongrus,
elle rapporte des morceaux de tissu, des
sortes de poches cousues, et entoure chaque
pièce d'or d'un bâti grossier
; cela
prend du temps.
Le duc s'est assis à nouveau près
d'elle. Il l'aide comme il peut, en toute
simplicité, soulevant ou tenant
étiré le vêtement
qu'elle est en train de coudre.
L'atmosphère paraît être
propice aux confidences. Alors, elle ose
:
Tu vas partir, mais qu'en sera-t-il
de Magdeleine ?
Le visage du duc est parcouru par un rictus
de surprise, agacé à l'idée
que sa relation si pure, si noble et récente
avec Magdeleine de Boucé, soit
connue et exposée aux cancans des
serviteurs. Puis, il s'accorde au caractère
exceptionnel de cette soirée et
à la personnalité bienveillante
de sa gouvernante.
Je reviens de Gayette. Nous avons
passé deux jours ensemble... et
deux nuits, ajoute-t-il en riant. Il n'y
a rien de mal, elle est veuve et libre,
comme moi. Pour toute réponse,
Marie Pichon lève les yeux au ciel.
Elle m'a juré fidélité,
Marie, et je la crois, c'est une femme
pieuse et pétrie de qualités.
Je pensais à elle, aux conséquences
pour elle et nous, quand on saura qu'on
vous a aidé.
Je reviendrai ou j'enverrai des
hommes vous chercher. Un grand destin
m'attend : je serai roi.
Que Dieu vous bénisse !
dit la gouvernante en se signant, puis
elle reprend son ouvrage.

Le donjon de Chantelle (reconstitution)
Maquette réalisée par les
Amis du Pays Chantellois
COMPLÉMENTS HISTORIQUES
Le château de Chantelle
Il fut édifié par les sires
de Bourbons sur un méandre escarpé
de la Bouble. Dès le 13e siècle,
Chantelle était le siège
dune châtellenie administrée
par un capitaine châtelain. Au 14e
siècle, le duc Louis II de Bourbon
en fit consolider les fortifications.
Dans la tour Saint-Pierre se trouvait
un atelier où on fondait des pièces
dartillerie. Les arbalètes
de Chantelle étaient renommées.
Anne de France y séjourna souvent,
comme le montre bien sa correspondance.
Elle fit bâtir un palais proche
de la chapelle pour pouvoir se rendre
à l'abri aux offices.
Après le départ du connétable
de Bourbon, Chantelle, comme tout le Bourbonnais,
devint propriété de la Couronne
de France et sombra dans l'oubli. Au 17e
s. le Cardinal de Richelieu vendit le
château à des entrepreneurs.
Les tours et remparts furent abattus (à
lexception de quelques
fragments du mur denceinte dominant
la Bouble).
Léglise et le monastère
voisins furent sauvés de justesse.

Reconstitution
du château des ducs de Bourbon à
Chantelle, résidence d'Anne de
France (duchesse du Bourbonnais, d'Auvergne,
et dame de Beaujeu)
Maquette réalisée par les
Amis du Pays Chantellois

Abbaye
Saint-Vincent de Chantelle
(Autrefois incluse dans l'enceinte du
château)
Lenfance de Charles
Charles III de Bourbon, plus connu sous
le nom de connétable de Bourbon,
est né le 17 février 1490
à Montpensier. Il était
le second fils de Gilbert, comte de Montpensier,
de Clermont et dauphin d'Auvergne, et
de Claire de Gonzague, soeur du marquis
de Mantoue. Son arrière-grand-père
était le duc Jean Ier de Bourbon.
En raison du départ de ses parents
pour lItalie (campagne militaire
du roi Charles VIII, frère dAnne
de France), il fut confié à
lâge de 4 ans (avec ses frères
et soeurs) à son oncle Pierre II,
duc de Bourbon et sire de Beaujeu et à
sa tante Anne de France, fille du roi
Louis XI, duchesse de Bourbon et dame
de Beaujeu, son épouse, et élevé
à Moulins en compagnie de leur
fille Suzanne quil épousa
en 1505, alors quil avait 15 ans
et elle 14, et devint ainsi duc de Bourbon.

QUESTIONNAIRE~Chantelle ;
lenfance
de Charles III de Bourbon~
(Une seule réponse est exacte.
Entourez celle qui vous paraît être
correcte !)
1/ Le château de Chantelle sélevait
au-dessus dun méandre de
la...
Sioule
- Bouble
2/ Au 13e siècle, la châtellenie
de Chantelle était administrée
par un
capitaine
châtelain - vicomte
3/ Dans la tour Saint-Pierre du château
on fondait des
pièces
de monnaie - pièces dartillerie
4/ Elle fit bâtir un palais proche
de la chapelle pour pouvoir se rendre
à l'abri aux offices. De quelle
duchesse sagit-il ?
Anne
de France - Anne de Bretagne
5/ La chapelle de labbaye Saint-Vincent
a été
reconstruite
- sauvegardée
6/ La mère de Charles III de Bourbon
était originaire
dItalie
- dEspagne
7/ Charles III de Bourbon est connu sous
le nom de...
Maréchal de France - Connétable
de France
8/ Charles III de Bourbon fut confié
à Pierre et Anne de Bourbon...
à
sa naissance - à lâge
de 4 ans
9/ Gilbert de Montpensier, père
de Charles était parti en Italie
pour
guerroyer - pour accompagner son épouse
dans sa famille
10/ Charles devint duc de Bourbon...
par filiation - par son mariage
Solution p.
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