JULES
FERRIEUX: UNE VISITE A AINAY-LE-CHATEAU
ET SON EGLISE
Il faut
aborder Ainay-le-Château par la
route de Bourges.
Paysage
vallonné. Des collines succèdent
aux collines que séparent de paisibles
rivières. La Marmande sinue entre
les terres, mais là, vous êtes
encore en Berry. Brusquement, du haut
de la côte, le Bourbonnais vous
accueille: sur un replat, Ainay étire
ses maisons, ses tours, et ce qui reste
de ses remparts. A ses pieds, la rivière
au doux nom, la Sologne, coule dans sa
vallée profonde.
L'aspect
est riant. Coloré aussi. De pimpantes
maisons neuves contrastent avec les édifices
anciens plus sombres et plus sévères.
Et vous notez quelques points de repère:
clocher carré à toiture
octogonale assez court et plutôt
trapu, porte ancienne d'où l'horloge
sonne les heures à la cité,
avec ses deux tours, et surmontée
d'un long campanile gris qui fut un beffroi,
importants bâtiments modernes de
la Colonie familiale pour malades de Paris,
présentement principale industrie
de toute une petite région.
Autrefois
ceinturée de fortifications, la
vieille ville forme un entrelacs d'anciennes
rues étroites et pittoresques.
Toitures de petite tuile plate à
forte pente, hauts pignons, des tours
de ci de là, l'ancienne église
dont la place en terrasse permet d'étendre
le regard par delà la Sologne au
milieu des jardins et des lignes de peupliers,
vers la très ancienne chapelle
Saint-Roch et au loin, par dessus la première
colline, les ondulations verdoyantes et
souvent boisées du Berry.
Enserrée
dans son corset de pierre, Ainay manquait
d'espace et d'air. Elle évita l'asphyxie
en s'étendant extra-muros; et la
partie de l'agglomération que les
natifs appellent toujours le Faubourg
en est devenu le Centre, en tout cas le
quartier le plus vivant et le plus animé.
Au long
des routes qui confluent précisément
au Faubourg, car Ainay en est bien pourvue:
la nationale 153, depuis le Bourbonnais
où elle a traversé la grande
forêt, mène vers Bourges,
et plusieurs autres de moindre importance
vers Sancoins, Meaulnes, Bardais, Couleuvre;
au long des routes s'allongent des tentacules
qui portent les limites de l'agglomération
fort loin et dont les maisons sont d'autant
plus récentes et coquettes que
la distance s'accroît.
Tronçais
est là, toute proche. A trois kilomètres,
commence la grande sylve des chênes,
et il en faut traverser dix, (autrefois
deux bonnes heures de marche à
pied), avant d'apercevoir Cérilly,
chef-lieu du canton.
Visiblement,
ce n'est pas vers le Bourbonnais que regarde
Ainay. Elle lui est adossée. Mais
elle sourit au Berry qui commence quelques
centaines de mètres plus loin.
Voyez comme elle a fière allure,
comme elle est jolie vue du nord et comme
au contraire l'abord par le sud paraît
quelconque et même morne.. Dans
les conversations ce sont les noms de
Charenton du Cher, Sancoins, Dun-sur-Auron,
Saint- Amand-Montrond qui reviennent,
Bourges aussi, plus que Montluçon,
Moulins et Vichy. Bref, ces Bourbonnais
des confins, sont déjà berrichons.
Quand
furent délimités les départements,
ils demandèrent à être
rattachés à celui du Cher.
De fait Ainay avait au cours du Moyen-Age
fait partie du Berry et longtemps dépendu
de l'archiprêtre de Charenton. Mais
les vicissitudes de l'histoire en décidèrent
autrement. Elle devint châtellenie
des ducs de Bourbon qui y eurent l'une
de leurs forteresses.
En dépit
de ses affinités berrichonnes,
Ainay allait donc rester bourbonnaise
et faire partie du département
de l'Allier.
Lorsque
le touriste aura visité les remparts,les
tours, les vieilles rues, les anciens
fossés, la porte de l'horloge,
il sera bien inspiré de se diriger
vers l'église. Cela en vaut la
peine....
CONTES ET RECITS BOURBONNAIS
ISBN 2-9504430-2-B
Un court
extrait:
Connaissez-vous
la bouchure en Bourbonnais?
C'est
la plus jolie chose du monde.
L'aubépine
s'y couvre de blanches fleurs; les rouges
poires d'oiseau leur succèdent.
La prunelle dresse ses noires épines
tout aussi fleuries au printemps, chargées
à l'automne de fruits bleus, très
acides, mais qui deviendront bons et doux
quand la gelée sera passée
dessus. La ronce s'accroche de toutes
ses griffes courbes et les mûres,
vertes puis rouges, seront succulentes
et juteuses une fois noires. Deci, delà
un "châgne", "un
frâgne", les "bonnets
carrés" qui pendent en grappes
fines à l'extrémité
de longues brindilles, les odorantes feuiles
du chèvre-feuille au parfum de
miel, et plus bas les tendres et douces
violettes qui sont les premières
à embaumer de leur parfum, les
lamiers rouges et blancs, les euphorbes
vert pâle, le galeopsis, la centaurée
et même les fières orties
si droites et si traîtresses; quelquefois
un buis, un alisiser, un sorbier, un poirier
sauvage, un "croyier" aux pommes
acidulées qui désaltèrent
fort bien mais donnent les "grands
dents", un houx -"l'écousoat"-
aux baies flamboyantes,des touffes de
genêts longtemps feuri d'or, ou
un ajonc, d'or également mais qui
pique comme l'épine... Avec ça
tout un peuple de nids et d'oiseaux, d'insectes
bourdonnants; les abeilles, les guêpes,
les frelons, y butinent; la sauterelle
aux longues pattes, les toiles des araignées,
fines dentelles brillantes de gouttelettes
aux matins humides, tendues d'une branche
à l'autre; et au ras du sol: la
fourmi silencieuse et ouvrière,
le hérisson, cette innocente victime
de nos grand-routes, la musaraigne et
tant d'autres.
Qu'est-ce
qui surpasserait en beauté la bouchure
quand le givre l'a tout entière
constellée?
Bouchures
du Bourbonnais, si vivantes, vous avez
votre raison d'exister. Vous êtes
poésie et abri.
La
vision du ménétrier
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