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Après ses souvenirs d'enfance évoqués dans : Si mon Bourbonnais vous était conté, la période plus ancienne de déclin du tissage manuel décrite dans : Les derniers tisserands, du Berry au Bourbonnais, Ed. du Petit Pavé 2007, ainsi que sa participation comme co-auteur avec Alicano à Noirs de Corse, Ed. Handi20 2008, et avec Vacances à l'italienne à Sur un autre versant, Ed. du Petit Pavé 2009, Claude Ferrieux aborde ici les douloureux événements au cours desquels, en 1282, périrent à Palerme (ville que l'auteur connaît bien pour y avoir résidé), et en Sicile, plusieurs milliers de Français, la plupart d'origine angevine.
Comment, dans une île où le souvenir des rois normands est encore vénéré et l'amitié envers la France réelle, une révolte anti-française aussi sanguinaire a-t-elle pu naître ?
Quelles furent les erreurs de l'administration de Charles d'Anjou envers un peuple soucieux de son honneur et extrêmement sensible aux blessures d'amour-propre ?
Suivons Jehan, un garçon angevin, que l'attrait pour le voyage et la découverte du nouveau royaume conduit jusqu'à Palerme où il sera confronté à la terrible épreuve des Vêpres Siciliennes.

 

Extraits du texte:

A Brissac,le travail ne manquait pas. Cavaliers de la petite garnison ou laboureurs et charretiers, tout le monde passait par l'atelier du forgeron ferrant. Aussi les parents de Jehan connaissaient-ils une certaine aisance matérielle.
De l'antique splendeur familiale revendiquée, outre la fascination envers la chevalerie et le métier des armes, subsistait un intérêt pour l'étude et les textes anciens. Ainsi, on avait compté plusieurs ecclésiastiques. En dernier, le père Philippe Desbrosses-Devesvres, propre grand-oncle de Jehan, curé de la paroisse voisine.
Vers 1255 ce prêtre prit en charge l'éducation du jeune garçon, son filleul. Deux ou trois fois par semaine, l'enfant se rendait à Saint-Jean-des-Mauvrets, conduit à cheval par son père ou un proche. Puis, lorsqu'il fut plus grand, il parcourut seul, à pied, les deux bonnes lieues le séparant du prieuré-cure. Jehan y passait des journées entières à manier la plume d'oie. Le parchemin n'abondait point et il restait, pour s'exercer, les marges et rares espaces des épreuves imparfaites. L'art de la calligraphie requérait la minutie et le garçon, habile et patient, y accomplit de rapides progrès. Le prêtre l'initia également à quelques essais d'enluminure. /...

Illustrations :

Le Château de Brissac -sis à Brissac-Quincé, Maine-et-Loire, à 15 km d'Angers- fut à l'origine un château-fort construit par les comtes d'Anjou au XIe siècle.

 

.../Au père Philippe parvenaient les largesses d'un aumônier de la cour angevine avec lequel il était ami. Fin lettré, cet abbé avait accompagné son évêque devenu cardinal, à Rome, siège pour plusieurs décennies encore, de la papauté, et il suivait avec un intérêt proche de la passion les évolutions de l'architecture religieuse. Jehan en avait reçu des dessins et il n'ignorait pas les caractéristiques de l'art roman ou du gothique naissant, ni même l'aspect de la basilica romaine.

Ces études suscitaient en lui un grand attrait et des rêves de voyage, soutenus aussi par la visite d'Angers et de son imposante forteresse.
Lorsqu'il ne se rendait pas à Saint-Jean-des-Mauvrets, Jehan donnait la main à la forge familiale. Les besognes légères que l'on pouvait confier à un enfant ne manquaient pas. Dégriller, recueillir et évacuer les cendres. Garnir le plateau de charbon de bois. Actionner le soufflet. Il se savait promis à une succession paternelle sans souci mais sa sensibilité lui faisait ressentir l'application du fer rouge sur le sabot du cheval comme une souffrance et l'odeur âcre, incisive, de la corne brûlée l'incitait à fuir./...

Forteresse d'Angers

.../Le lendemain le Tropea levait sa voile transversale qui s'arrondissait aussitôt au souffle soutenu d'un vent favorable, gagnait le large et mettait le cap au sud. Longer la côte fut un enchantement. Les Apennins émergèrent le matin, hauts et sombres, des brumes de la nuit automnale. Puis la côte s'afficha de midi jusqu'au soir, claire et protectrice. Deux jours plus tard le navire entrait dans le golfe de Naples et glissait jusqu'au port. La douceur de l'été régnait encore et séduisit les arrivants.

Le capitaine reçut l'assignation, fort plaisante au demeurant, à résider chez un chevalier dont l'immense palais, constituait un sedile, rassemblement de plusieurs nobles familles. Il s'étageait sur quatre niveaux, ce qui permettait d'établir dans les dépendances semi enterrées les dix gardes angevins et provençaux. La couche était sommaire mais, immense avantage, proche des cuisines où officiaient un couple d'âge mûr et de jeunes aides et serveuses. Une intense activité y régnait le soir de leur arrivée. D'épaisses odeurs de friture en émanaient. Jehan tenta d'exercer son latin mais la compréhension resta très lacunaire. Il annonça cependant à ses camarades les produits de la mer au menu, provoquant leur hilarité qu'il jugea ignorante et stupide : point n'était besoin d'être clerc pour comprendre, il suffisait de renifler ! Et qui sait si le poisson et les poulpes étaient frais ? Pouvait-il le demander ? Jehan s'enferma dès lors dans un mutisme que seule l'assiette richement garnie dérida. Un vin blanc frais fut bu avidement, malgré les mises en garde. Bientôt l'ivresse apparut chez certains, et on assista à quelques gestes déplacés en direction des serveuses. La réprimande sèche et dure du maître de cuisine, rendue plus percutante encore par l'incompréhension, réussit à rétablir un peu de calme jusqu'à la fin de la soirée.
Réveil matinal. Il convenait d'accompagner le capitaine jusqu'au Castel Capuano, siège du gouvernement royal. Le groupe avait naturellement débarqué du Tropea sans montures. Et la déambulation dans les rues de Naples réputées peu sûres, nécessitait une escorte serrée. Non pas que le capitaine craignît pour sa propre vie ou celle de ses hommes, mais il fallait garder sur soi son argent et veiller au grain.
Après avoir dévalé d'étroites ruelles désertes, le petit groupe traversa une place sur laquelle s'installait un marché. Des empilages de caisses de fruits ou de légumes s'offraient aux passants assaillis par les sollicitations obséquieuses des vendeurs. " Vossia, Signore, con rispettu… " Révérences aidant, le capitaine et ses hommes firent de rapides progrès dans la compréhension des formules de politesse. Flattés, ils se seraient peut-être laissé tenter, mais que faire de tant de produits inutiles ? Un équilibriste portait une pyramide de chaises sur ses épaules ; ne pouvant s'incliner, il en mimait le désir par de grands gestes des bras. Le capitaine promit à ses hommes une halte, lors du retour, à un éventaire de friandises, dans le but de goûter au brun torrone garni d'amandes.
L'attente au château réjouit le cœur des gardes, tout heureux de retrouver d'autres Français, la plupart angevins. La nostalgie d'un pays quitté depuis trop longtemps brisa un instant les voix puis la joie revint à l'évocation des personnes et des lieux ainsi qu'à la lecture de missives collectives que les arrivants détenaient./....

     Naples : Castel Capuano, siège du gouvernement avant 1282

Naples, Maschio Angioino, forteresse angevine, construite de 1279 à 1282

 

      Palerme, PALAIS ROYAL

 

.../Jehan a dégainé son épée, il va arriver à hauteur des agresseurs quand ceux-ci déguerpissent. Il se penche sur son malheureux compatriote, il n'y a plus rien à faire.
Jehan aperçoit d'autres groupes au loin qui parcourent les rues. Comprenant qu'il ne s'agit pas d'un incident mais d'une émeute, il veut retourner au Palais des Normands. Le jour décline. Il peut approcher car la voie est déserte. Une animation houleuse a envahi la place. Des invectives d'hommes massés devant l'entrée de l'édifice et une clameur lorsqu'un insurgé déploie et agite par une fenêtre du dernier étage un étendard, aigle d'or sur fond rouge. Jehan comprend alors que le pouvoir est tombé. La surprise, par ce jour de fête religieuse, a été totale. Qui aurait pu imaginer ? Dès lors, il fait retour vers le palais San Vito.
Les rues médiévales résonnent de tumulte. Des cadavres ensanglantés, reniflés par les chiens, en rougissent la terre battue. Les cris perçants d'une femme retentissent. Celle-ci surgit, poursuivie par des hommes écumants, qui lui arrachent un nouveau-né des bras. Le tenant pas les pieds, ils en fracassent la tête contre le sol./...

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