Jules,
Robert et Claude FERRIEUX
VICHY,
autrefois...
naguère...
Récits
ISBN 978-2-9504430-8-3
© Editions
Scalea 2010
Prix : 6 Euros
Jules FERRIEUX a dirigé
les Cours Complémentaires
(collèges), du Mayet-de-Montagne
et de Varennes-sur-Allier.
Ses fils, Robert et Claude, ont
été marqués
par leur enfance bourbonnaise.
L'un a connu la période
sombre de la guerre.
L'autre celle, plus souriante,
de l'aprèsguerre.
Sommaire
Jules Ferrieux
Le salut à l'Auvergne
(extrait de Contes et Récits
Bourbonnais 1987)
Robert Ferrieux
À lécole,
pendant la guerre
Pianissime
Chocolats
Visite familiale à Vichy
(L'Enfance Revisitée,
inédits)
Claude Ferrieux
Quelques années plus tard...
(extrait de Si mon Bourbonnais
vous était conté
1997)
Jules Ferrieux
Le salut à lAuvergne
À chacun de ses passages
il sarrêtait en cet
endroit.
Après avoir suivi la route
médiocrement accidentée
qui le ramenait, par Molles, du
Mayet-de-Montagne ou de Laprugne
ce nest pas la plus
pittoresque car vers Ferrières
et Arrones la vallée du
Sichon très encaissée
offre de superbes paysages,
mais la plus allante et la plus
rapide , il découvrait
soudain, au sortir dune
courbe, avant de tournicoter dans
les lacets qui plongent sur Cusset
et Vichy, au sommet de la Côte
des Justices, un magnifique panorama.
Presquà ses pieds
la cité thermale, blanche
aux toits de tuile rouge, verte
frondaison des parcs, clair ruban
de lAllier, les dômes
des établissements.
En toile de fond, dabord
des collines verdoyantes sur la
rive occidentale du fleuve. Plus
loin les étages des plateaux
aux formes aplanies qui semblaient
cascader dans l'arrière-plan.
Et, couronnant le tout, les Monts
d'Auvergne. La chaîne des
Puys étalait sur un socle
élevé, ses quelques
quatre-vingts volcans avec tant
de netteté qu'on aurait
presque pu les compter, de part
et d'autre du géant, le
Puy de Dôme, avec son échine
à double bosse, comme un
chameau. Et plus loin encore,
à main gauche, les sommets
aigus du massif des Dore, moins
distincts, un peu estompés
par l'éloignement et qui
se confondaient parfois avec les
nuages.
Certes le paysage grandiose devait
être plus magnifique encore
et terrifiant peut-être
quand rougeoyaient les volcans
dans les ciels de notre ère
quaternaire commençante.
Mais y avait-il un il à
cet endroit précis pour
le contempler et un humain pour
s'émouvoir de cette beauté
farouche dans l'embrasement des
nuages et des sommets empanachés
de fumée ?
.../
Robert Ferrieux
À lécole,
pendant la guerre
Après larmistice
et linstallation de Pétain
à Vichy, les écoles
reçurent lordre dériger
un mât dans leur cour, dy
procéder chaque matin à
une levée des couleurs
aux accents de Maréchal
Nous Voilà.
Lorsquil fut rentré,
mon père reprit ses fonctions,
assurées de façon
épisodique en son absence
par lancien directeur à
la retraite, monsieur Blétery.
Il lui échut donc dinaugurer
cette nouvelle cérémonie.
Tous les jours, le drapeau de
la France était hissé
mais l hymne pétainiste
ne fut jamais chanté. À
la place, il me souvient davoir
entonné le sixième
et le septième
couplets de La Marseillaise («
Amour sacré de la Patri-i-e
» et «Nous entrerons
dans la carriè-è-re
» ), les autres et le refrain,
jugés par Vichy trop guerriers
à légard de
nos occupants, restant strictement
interdits. Cette Marseillaise
tronquée paraissait bizarre,
en queue de poisson, pour ainsi
dire, son âme comme volatilisée.
Pourtant, jai appris Maréchal
Nous Voilà, on me l'a
fait apprendre mais qui ?
Peut-être cet adjoint venu
pour deux ou trois mois remplacer
monsieur Darbros en congé
de maladie (il me semble qu'il
s'était cassé une
jambe au Cours moyen). Ce jeune
maréchaliste maigre et
zélé, avait, assez
élégamment ma foi,
composé sur les murs de
la classe, avec de longues feuilles
d'iris coupées, oh, sacrilège
! dans les massifs de mon père,
le slogan de Vichy: " Travail,
Famille, Patrie ", en gros
caractères, guillemets
compris. Je trouvais que cela
était du meilleur effet,
net, carré, de belles lettres
vertes à la vérité.
Mais lorsque Brossard revint,
en silence, lors de la première
heure, méthodiquement,
calmement, il détacha chaque
punaise avec son canif et effaça
l'infâme dont il ne resta
qu'une trace jaunie, quasi indélébile
sur ces murs jamais rafraîchis.
.../
Visite familiale à Vichy
Nos relations avec « loncle
et la tante de Vichy» étaient
intimes. Il suffisait de prendre
le car pour se voir, ce que nous
faisions de temps à autre.
Une grande complicité unissait
les deux frères et les
belles soeurs sappréciaient
affectueusement.
Invariablement, loncle nous
mettait au piano, ma plus jeune
cousine et moi. Lui, il sinstallait
dans la cage descalier qui
montait du couloir sur la droite,
et il invitait la compagnie à
le rejoindre. Cétait,
disait-il, la meilleure place
: les sons sélevaient,
il y avait un effet caisse de
résonance, on pouvait mieux
goûter la musique. Et nous
martelions, tant bien que mal,
nos petits morceaux. Notre récital
était alors analysé,
disséqué, toujours
dans le bon sens. On nous couvrait
de compliments et souvent, nous
étions invités à
donner un bis, tant cétait
agréable et beau de nous
entendre. Parfois, notre cousin
Paul interprétait une romance
sur son violon ou alors les frères
jouaient ensemble, premier violon
pour l'aîné, le deuxième
au cadet.
.../
Claude
Ferrieux
Quelques années plus tard
Le dimanche, Vichy nous accueillait.
Nous profitions de lhospitalité
chaleureuse de mon oncle, ma tante
et mes cousines, qui adoraient
les enfants et
me choyaient. Le repas se prolongeait
généralement dune
audition de musique au salon.
Mon oncle était comme entré
en religion pour la musique classique.
Il écoutait, suivi en cela
par mon père, avec une
attention quasi mystique, comparant
savamment les interprétations
dune même symphonie
par différents chefs dorchestre
et surtout le jeu des grands
violonistes, Thibaud, puis Stern
ou Oïstrach, ou encore Gitlis
quil admirait profondément,
et qui lémouvaient
jusquaux larmes. De même
le chant de la Callas lui procurait
des moments dintense émotion.
Moi, jétais sincèrement
ravi découter la
musique classique, mais, après
quelques minutes, mon attention
se distrayait, je commençais
délicatement à bouger
mes jambes que javais malencontreusement
croisées, sentais un regard
pesant, un regard comme en décernaient
les maîtres décole
dautrefois, et je restais
immobile et bloqué jusquà
lengourdissement.
En période estivale, nous
nous dirigions vers les parcs
du centre ville. Je suivais d'un
il étonné
les riches curistes en robe blanche
et chéchia rouge, puis
nous parvenions au pied du kiosque
où l'on donnait concert
en plein air.
.../