Michelle,
la vie d'une femme libre
à l'époque de mai 68
en Auvergne et Bourbonnais
Michelle, l'héroïne
du roman, a vécu la contestation
de 1968. Elle a adhéré
à certains de ses idéaux.
Cru à l'évolution de la
société. A-t-elle vécu
libre ? Intelligente, sérieuse,
elle a pu étudier, réussir,
travailler, être indépendante,
mais qu'en est-il de la liberté
d'aimer?
En fait, sa vie sentimentale s'est heurtée
à l'intransigeance des préjugés
qui a failli la briser. Elle a ensuite
dû entreprendre un long chemin
pour se reconstruire.
Une histoire située dans la société
en pleine évolution des années
60, en Auvergne et Bourbonnais, rythmée
de séquences dans le Cantal,
la Haute-Loire, la Saône-et-Loire,
et qui évolue vers la Touraine
et le Berry, sans oublier plusieurs
escapades insulaires : Oléron,
Ré, Sicile.
Claude Ferrieux est originaire de Varennes-sur-Allier.
Ses études l'ont conduit successivement
à Moulins et Clermont-Ferrand.
Ancien professeur agrégé
d'italien, il a exercé en Sicile,
en Corse, dans le Sud-ouest et la Drôme
où il vit actuellement. Il est
l'auteur de romans historiques, de récits,
de polars, ayant pour cadre son Bourbonnais
natal et le Berry de ses aïeux,
les pays méditerranéens,
et sa région actuelle.
La boum
Michelle s'abandonne aux mélodies
suaves et lentes de Jazz Nouvelle-Orléanse
qui s'enchaînent par le merveilleux
automatisme d'une bande magnétique
préenregistrée. Elle n'a
pas réagi lorsque son partenaire
a profité d'un léger heurt
au passage d'un autre couple pour se
coller à elle. Les garçons
dressent la crête lorsqu'ils parviennent
à s'exhiber dans un joue à
joue avec une fille. Celui-ci n'échappe
pas à la règle, même
s'il paraît être plutôt
sympa. Il a prononcé deux ou
trois banalités concernant le
climat ou l'affluence à cette
soirée. Atteignant l'extrême
limite entre conversation et interrogatoire,
il a demandé si elle habite en
ville et quelles études elle
poursuit. Maintenant, selon toute vraisemblance,
il va tenter de l'embrasser. Déjà,
il laisse subrepticement ses lèvres,
tapies dans une brune pilosité,
traîner sur la joue de la jeune
fille, à la faveur de légers
contacts dus au mouvement. Habituellement,
dans les soirées étudiantes,
la glace n'est pas si difficile à
briser entre les couples artificiels
créés par la danse qui
se découvrent d'évidents
points communs. Ce garçon-là
est-il timide ? Indifférent ?
Ne cherche-t-il qu'une proie pour enrichir
un palmarès ? Michelle, elle-même,
se prête à un jeu. Mais
son esprit, son âme peut-être,
se sont évadés, mais non
pas pour folâtrer sur les ondulations
bleutées des horizons auvergnats,
plus simplement, ils se sont absentés.
..../
Étudiante
à Clermont
Dans la pièce contigüe,
quelques années plus tôt,
elle a suivi des cours qui ont compté.
Malgré un cursus contrarié,
elle a aimé la littérature
comparée, les aventures picaresques
et européennes des héros
de Lesage ou Fielding, et la même
veine espagnole ou allemande. Les exigences,
moins rigoureuses qu'en cycle de littérature
française, convenaient à
son tempérament sensible et émotif,
et elle y réussissait bien. D'autres
thèmes lui ont permis des lectures
originales traduites du russe ou de
l'anglais. Pourtant, elle a joué
de malchance lors de l'examen, ne réussissant
pas à dormir la veille de l'épreuve,
si bien que son devoir, moins structuré
qu'à l'accoutumée, lui
a ouvert un accès un peu juste
à l'oral. Et là, d'abord
elle tombe sur une impasse, un texte
qu'elle n'a pas eu le temps de lire
au cours de l'année. Car si les
professeurs traitent deux ou trois questions,
le programme comporte une multitude
de livres qu'on n'a pas toujours la
possibilité d'acheter, la chance
de pouvoir emprunter ou tout simplement
le temps de lire..../
Ensuite,
le temps de la revanche est venu. Une
période où l'on traitait
les professeurs de mandarins et on criait
à tue-tête dans les rues.
Michelle ne s'est pas impliquée
dans cette violence, même si celle-ci
demeurait purement verbale dans le chef-lieu
auvergnat. À Paris, les pavés
volaient, devant la Maison du Peuple,
seuls les slogans et les quolibets fendaient
l'air. .../
Retour
à Moulins
Puis, elle s'est lassée, revenant
en Bourbonnais suivre les événements
d'après le journal. La télé
devenait trop partisane, seuls les "
réac. " n'étaient
pas en grève. Michelle jouait
au tennis, accompagnait des camarades
d'enfance à bicyclette. Elles
passaient le pont Régemortes,
suivaient la rive de l'Allier, souvent
à pied, après avoir abandonné
le vélo lorsque le chemin devenait
trop étroit et chaotique. Elles
cueillaient des fleurs, s'arrêtaient
à l'ombre d'un arbre, fumaient
une cigarette et s'enflammaient parfois
à propos des révoltes
estudiantines. Sa meilleure amie, Jeanne,
travaillait comme vendeuse et caissière
dans un magasin de la ville. Au lycée,
elle avait raté le premier bac
et dû passer dans le monde du
travail. Peut-être déçue
et envieuse, Jeanne prenait son amie
à partie :
- Pourquoi est-ce que tu participes
à tout cela ?
- On s'oppose à un gouvernement
conservateur. Il refuse d'entendre nos
revendications..../
Une
sortie dans le Cantal
Jean-Claude s'était montré
volubile durant le repas. Sûr
de lui, amuseur, tout ce que Michelle
n'était pas. Il lui plaisait.
Il avait peu évoqué son
métier, vendeur de voitures,
et encore moins les études de
la jeune fille, mais il pouvait se montrer
intarissable sur le sport, les copains,
les sorties. S'il s'avouait piètre
danseur, il minimisait ce défaut
en raillant ceux qui, dépourvus
de tchatche, en étaient réduits
à la drague avec ce moyen là.
Michelle fit quelques évolutions
dans les bras de plusieurs danseurs,
mais elle restait fascinée par
son charmeur de cavalier resté
à se morfondre à la table
des plus âgés. Il y eut
une farandole générale
à laquelle il ne put échapper,
et, comme s'annonçait un slow,
Michelle insista pour le garder et lui
enseigner quelques pas. Que Jean-Claude
ne s'intéressât pas ou
peu aux études et aux aspirations
professionnelles de la jeune fille,
ne constituait pas un motif de rejet,
au contraire, c'était pour elle
une façon de s'en évader
et de retrouver des thèmes concrets
auxquels elle était habituée
dans sa famille. Le couple dansa, ou
plutôt se tint enlacé,
quasi immobile, détendu, et ce
fut un moment agréable. Lorsque
leurs visages se frôlèrent,
c'est Michelle qui, cédant à
une impulsion, colla ses lèvres
sur celles de Jean-Claude. Surpris mais
flatté, le jeune homme ne fut
pas long à reprendre une attitude
dominatrice. Michelle, sur le moment,
n'y prit garde. Elle vivait des instants
magiques, se libérant provisoirement
des affres de la vie étudiante.
...
Détente
à l'île d'Oléron
.../Michelle
accepte l'invitation d'un garçon
dont elle ne connaît que le prénom,
Philippe, et qui se montre bien piètre
valseur. Il en accuse le sol, recouvert
d'un dallage en pierres naturelles impropres
à la glisse. N'importe, Philippe,
plutôt beau gars, apparaît
enjoué et prévenant. Michelle
s'amuse et se sent d'humeur légère.
Il subsiste toujours en elle, en ces
situations, un inconscient parfum de
revanche.
Les voici bras dessus, bras dessous,
qui observent un romantique reflet de
lune sur la mer, et déambulent
pieds nus dans le sable. La situation
dégénère très
vite. Ils échangent des baisers
frénétiques et Michelle
n'entreprend aucune action sérieuse
pour endiguer la ferveur de Philippe.
Elle exprime faiblement une ou deux
dénégations et se retrouve
adossée à un talus à
recevoir les assauts sexuels du jeune
homme. Tout en accomplissant l'acte,
elle fixe, au-delà du visage
de son partenaire, l'univers marin.
Et elle se sent vivre un moment de communion
avec la nature qui l'entraîne
loin du simple sentiment amoureux. /...